- BIBLIOTHÈQUES
- BIBLIOTHÈQUESDès l’apparition de l’écriture, on s’efforça dans toutes les civilisations de conserver certains documents écrits, soit dans des locaux particuliers, comme ce fut le cas dans les palais et les temples du Moyen-Orient où l’on ne distinguait pas, parmi les tablettes conservées, les documents d’archives et les textes littéraires, soit, comme en Chine, parmi les trésors des princes. Puis on apprit à mettre à part les livres dans des bibliothèques proprement dites. D’où la constitution de grandes collections rassemblées sur l’ordre de souverains ou de grands personnages désireux de lier symboliquement leur nom à ce que la culture de leur peuple avait de plus sacré et de le faire passer à la postérité. Ces bibliothèques apparaissent donc d’emblée comme des instruments de cumulation, mais aussi de sacralisation des savoirs. Elles sont les ancêtres des établissements de conservation chargés d’assurer la survie des patrimoines nationaux. Parallèlement, des communautés, le plus souvent religieuses à l’origine, se dotèrent de fonds destinés à favoriser les études. Puis, des initiatives se multiplièrent pour favoriser la diffusion de la culture livresque: telle fut le point de départ des bibliothèques de lecture publique. Enfin, la nécessité de suivre l’actualité favorisa l’apparition – souvent au sein des bibliothèques – de centres ou de systèmes destinés à fournir une documentation récente sur un type de sujet.1. Aperçu historiqueL’AntiquitéLe terme même de bibliothèkè est attesté pour la première fois en Grèce dans un texte de la seconde moitié du IVe siècle avant J.-C. Il n’est cependant question que de bibliothèques privées dans la Grèce classique. En revanche, on vit apparaître à l’époque hellénistique de grandes bibliothèques créées par les successeurs d’Alexandre. La plus célèbre fut fondée par Ptolémée Sôter (322-283) dans l’enceinte du Musée, communauté de lettrés destinée à servir les Muses et conçue sur le modèle des communautés de philosophes grecs. Ces lettrés s’appliquèrent à y réunir toutes les productions écrites dignes de mémoire. Soit une politique de prestige que les souverains égyptiens surent doter des moyens nécessaires. On s’efforça de se procurer les manuscrits des ouvrages les plus célèbres; des copistes, des grammairiens et des philologues furent chargés de revoir le texte et la présentation des monuments de la littérature grecque; enfin, des équipes de traducteurs donnèrent une version grecque des grandes œuvres écrites dans une langue étrangère: ainsi firent les Septante pour l’Ancien Testament. La bibliothèque du Musée rassembla finalement plusieurs centaines de milliers de rouleaux, sans compter ceux qui furent accumulés non loin de là, au Serapeum.Les princes des autres dynasties hellénistiques, et notamment les Attalides à Pergame, imitèrent cet exemple. Au total, même si la diffusion des ouvrages promis à la postérité ne se produisit pas directement à partir du Musée, cette entreprise favorisa la survie de nombreux textes, reproduits pour constituer de nouveaux fonds et réunis selon les corpus établis par les savants alexandrites. En même temps, les traités bibliographiques se multiplièrent, une véritable science bibliothéconomique se développa, les bâtiments où étaient rangées ces précieuses collections furent munis d’un système d’aération propre à favoriser la conservation des fragiles papyrus et devinrent de véritables temples du livre, ornés de statues et de peintures glorifiant les grands écrivains ainsi que les dieux et les princes qui les protégaient.Peuple de deux cultures, les Romains transférèrent souvent de Grèce en Italie, en guise de butin, des bibliothèques entières. Longtemps, les textes grecs occupèrent chez eux la première place. Mais, à partir de l’époque de Cicéron, les lettrés qui entretenaient souvent des équipes de copistes, commencèrent à rechercher également les premiers témoignages de la culture latine. Puis, les empereurs créèrent des bibliothèques publiques. On en comptait vingt-quatre à Rome à la fin du règne de Constantin, dont la plus célèbre était établie sur le forum de Trajan, des deux côtés de la célèbre colonne.Le Moyen ÂgeLa disparition quasi totale des volumina si soigneusement conservés durant l’Antiquité peut apparaître comme la conséquence des grandes invasions. Mais elle s’explique aussi par la fragilité du papyrus et résulte avant tout d’une révolution technique: le remplacement sous le Bas-Empire du volumen par le codex et la substitution au papyrus du parchemin, plus fruste mais plus solide. À l’opposé des milieux païens, les chrétiens préférèrent ces nouveaux types de livres, plus résistants et d’un maniement plus facile, en une époque où ce qui subsistait de la culture écrite se réfugiait en Occident au sein du clergé. On connaît le rôle joué dans la tâche de sauvegarde alors réalisée par le groupe monastique organisé autour de Cassiodore à Vivarium. Désormais, la culture livresque se trouve concentrée pour des siècles dans les bibliothèques des cathédrales et des abbayes. Ces collections, qui dépassaient rarement les deux cents volumes, comprenaient, à côté des livres liturgiques, des œuvres des Pères de l’Église ainsi que ceux des textes antiques jugés nécessaires à la maîtrise de la langue latine, indispensable à la connaissance du dogme et à la pratique du culte. Soit un stock largement renouvelé lors de la Renaissance carolingienne, où les humanistes retrouveront, au XVe siècle, les textes oubliés des auteurs de l’Antiquité classique.Cependant, tandis que Byzance s’appliquait à maintenir les traditions culturelles de la Grèce antique, la conquête musulmane engendrait une nouvelle civilisation qui, puisant aux mêmes sources, développa des bibliothèques souvent très importantes. C’est par le double intermédiaire arabe et byzantin que l’Occident reçut les textes philosophiques, juridiques et scientifiques qui nourrirent son réveil au XIIe siècle, Dès lors, les bibliothèques quittèrent de plus en plus dans les établissements religieux l’armarium placé dans un mur du cloître pour s’établir dans une salle spéciale. Surtout, tandis que les copistes et les libraires se multipliaient auprès des universités, des bibliothèques d’étude s’organisaient dans les collèges. La plus importante d’entre celles-ci, celle de la Sorbonne, comptait mille sept cent vingt volumes en 1332, répartis entre une section d’«usuels», enchaînés à leur pupitre et consultés sur place, et une réserve de doubles et de volumes destinés au prêt. Les ordres mendiants réunirent également dans leurs monastères des livres d’étude susceptibles d’être prêtés.Les progrès de l’écrit dans les milieux laïques et l’essor des littératures nationales entraînèrent encore l’apparition d’un nouveau type de collections. En France, le roi Charles V, développant une véritable politique culturelle, collectionna les textes en langue nationale et employa des traducteurs à transcrire en français les œuvres les plus importantes de la culture cléricale. Il réunit ainsi quelque deux mille volumes dont une partie au moins fut installée sous la garde du bibliothécaire Gilles Malet dans une tour du Louvre spécialement équipée, mais qui furent malheureusement dispersés après sa mort. Parallèlement, les princes de la maison de France, comme les ducs de Berry, d’Anjou ou d’Orléans, constituaient des collections conformes à leurs goûts, mais aussi, comme les ducs de Bourgogne, à leurs aspirations politiques. De même encore, le pape Clément VI installait sa bibliothèque dans la tour des Anges au palais des Papes en Avignon.Cependant, les humanistes italiens rêvaient, à la suite de Pétrarque et de Boccace, de bibliothèques «publiques», c’est-à-dire ouvertes aux lettrés. L’un d’eux, Niccolo Niccolini, grand bibliophile qui conservait dans son palais une collection riche en manuscrits anciens, confia en mourant ses livres à un groupe de seize curateurs comprenant Cosme et Laurent de Médicis. Ceux-ci décidèrent de transmettre ce fonds au couvent dominicain de Saint-Marc alors en pleine réorganisation et firent construire à cette occasion une salle d’un type nouveau: une nef centrale était réservée à la circulation et deux nefs latérales se trouvaient garnies de pupitres. Le savant Thomas Parentucelli di Sarzana fut chargé à cette occasion de fournir une liste type des livres qu’une bibliothèque devait comprendre et proposa un canon brisant les cloisonnements traditionnels. Un peu partout, et notamment à Milan chez les Visconti-Sforza, ce modèle culturel se trouva adopté. Cependant, après le retour des papes d’Avignon, Thomas Parentucelli, qui avait pris la tiare sous le nom de Nicolas V, installait lors du jubilé de 1450 ses livres dans les douze armoires d’une salle éclairée d’une seule fenêtre. Puis Sixte IV fondait officiellement par un décret de 1475 la Bibliothèque vaticane pour le service et l’honneur des érudits qui se consacraient à l’étude des lettres et chargeait Ghirlandajo, Melozzo da Forli et Antoniozzo Romano de travailler à sa décoration.L’époque moderneLes livres commençaient à se trouver répandus chez les particuliers à la fin du Moyen Âge, et les collections de beaucoup d’établissements connurent au XVe siècle un accroissement considérable, notamment en Allemagne. Ce qui contribue à expliquer l’invention de l’imprimerie dans ce pays.Cependant, la découverte de l’Italie incita les rois de France à créer, au début du XVIe siècle, une grande bibliothèque. Cet établissement fut constitué à Blois à partir des livres ramenés de Naples par Charles VIII. Il s’enrichit d’une partie de la collection des ducs de Milan saisie en leur palais de Pavie lors de la conquête du Milanais ainsi que de nombreuses accessions: legs des manuscrits de la reine Anne de Bretagne, achat de ceux de Louis de Bruges, seigneur de Gruthuysen, legs des collections des ducs d’Orléans et d’Angoulême ou encore des livres de Louise de Savoie; saisie des livres du connétable de Bourbon, gendre et héritier du duc de Berry. Surtout, François Ier créa vers 1522 une nouvelle «librairie», à Fontainebleau celle-là, pour laquelle il fit rechercher tout spécialement des manuscrits grecs et à la tête de laquelle il plaça Guillaume Budé. Il institua en outre en 1537 la règle du Dépôt légal qui semble n’avoir été réellement observée qu’à partir du XVIIe siècle.Les rois de France habillèrent leurs livres de reliures prestigieuses. Parallèlement, quelques grands personnages – gens d’épée comme le connétable de Montmorency ou financiers comme le fameux Grolier qui avait été trésorier des armées d’Italie et protégeait la famille d’Alde Manuce – se constituaient eux aussi des collections somptueusement reliées.Les guerres religieuses contribuaient à provoquer le pillage et la dispersion de bien des bibliothèques, notamment en Allemagne où les livres des monastères supprimés furent saisis par des princes ou donnés aux villes, et constituèrent le noyau de bibliothèques municipales comme celles de Francfort, Nuremberg, Lubeck ou Hambourg. Enfin, les bibliothèques des universités prirent une importance nouvelle dans les pays passés au protestantisme. En témoignent celle de Leyde ou encore la Bibliothèque bodléienne fondée à Oxford par sir Thomas Bodley.Dans les pays restés catholiques, la Contre-Réforme entraîna, à la suite du concile de Trente, un nouvel essor des bibliothèques ecclésiastiques. Considérant le livre comme une arme, les jésuites dotèrent notamment leurs collèges de riches collections. Philippe II fit élever pour sa part par l’architecte Juan de Herrera la bibliothèque de l’Escurial avec son immence vaisseau, et le pape Sixte Quint chargea l’architecte Fontana de construire, entre 1587 et 1589, une nouvelle salle pour la Vaticane promue au rang de centre d’édition des grands textes religieux. Puis le cardinal Borromée fonda à Milan l’Ambrosienne.En France, cependant, les cardinaux-ministres Richelieu et Mazarin, ainsi que le chancelier Séguier, soucieux d’asseoir leur prestige, recherchaient les livres aussi bien que les œuvres d’art. Désormais ceux-ci se trouvent alignés au long de somptueuses galeries, sur des espaces rythmés par les bustes de personnages et d’auteurs célèbres. Là se retrouvaient les écrivains liés au maître du lieu, qui contribuaient à orienter l’opinion au sein de la république des lettres. Au cours du XVIIe siècle, ces établissements commencèrent à s’entrouvrir aux lecteurs, donc à devenir «publics». Enfin, les grands magistrats, imitant cet exemple, s’appliquèrent à se constituer des bibliothèques dignes de leurs fonctions et servant de centres de documentation aux cours qu’ils présidaient. Ainsi la hiérarchie des bibliothèques copiet-elle un peu partout celle de la société.Lorsque Louis XIV prit personnellement le pouvoir, Colbert jugea nécessaire de rétablir dans son lustre la Bibliothèque du roi, quelque peu délaissée depuis qu’elle avait été ramenée à Paris sous Charles IX. Il l’installa rue Vivienne près de son hôtel, lui donna ses deux meilleurs bibliothécaires, dont Nicolas Clément, le père du «lettrage», système de classement suivant les lettres de l’alphabet à peine retouché de nos jours. Puis, le neveu du chancelier Pontchartrain, l’abbé Bignon, qui avait été directeur de la librairie et avait réorganisé le système académique, divisa au début du XVIIIe siècle la Bibliothèque du roi en départements, la dota d’un personnel stable et qualifié, et réussit à l’implanter dans l’ancien palais de Mazarin et à y faire construire une aile parfaitement adaptée par l’architecte Robert de Cotte. De sorte que cet établissement, riche de plus de trois cent mille volumes et de trois cent mille pièces à la fin de l’Ancien Régime, était la plus riche et la mieux organisée d’Europe.Les princes allemands développèrent parallèlement de grandes bibliothèques dont les plus remarquables furent celles des ducs de Brunswick à Wolfenbüttel, des ducs de Bavière à Munich et des empereurs à Vienne. À la suite de la guerre de Trente Ans, les souverains suédois enrichirent en outre, grâce à des prises de guerre, les bibliothèques d’Upsal et de Stockholm, puis Pierre le Grand fonda la bibliothèque impériale de Saint-Pétersbourg ainsi que celle de l’Académie des sciences de cette même cité, aujourd’hui la plus importante bibliothèque scientifique de Russie. Enfin, le Parlement britannique achetait en 1753 la collection du médecin William Sloane que vinrent compléter celles de Cotton et de Harley, comte d’Oxford, puis les collections royales elles-mêmes. Ainsi naquit le British Museum.Simultanément, le goût pour les imprimés anciens se développait aux Pays-Bas, en Angleterre et surtout en France. Beaucoup des collections alors constituées servirent de base à des établissements publics: telles celles de Mgr d’Inguembert pour la bibliothèque de Carpentras, du marquis de Méjanes pour celle d’Aix-en-Provence et de Paulmy d’Argenson pour l’Arsenal à Paris. Tout cela ne pouvait pourtant pas suffire à l’époque des Lumières. Un public élargi désirait désormais accéder au livre. En Grande-Bretagne, les book clubs et les reading societies organisaient de très nombreuses bibliothèques de prêt, et cette mode gagnait les États-Unis, où des établissements de ce type apparaissaient par exemple à New York, Philadelphie et Boston. En outre, les cafés, nombreux à Londres, proposaient non seulement des gazettes, mais aussi des livres. En France, les libraires commençaient à créer des cabinets de lecture, mais ces initiatives demeuraient insuffisantes, de sorte que, par exemple, beaucoup de futurs révolutionnaires furent réduits à demander à de grands seigneurs éclairés, détenteurs de grandes collections et de cabinets de curiosités, d’accéder à leur bibliothèque.De la Révolution française à nos joursÀ la suite de la mise à la disposition de la nation des biens du clergé (1789), suivie de la saisie de ceux des émigrés et condamnés et de ceux des académies et sociétés savantes, il convient de décider ce qu’il fallait faire des innombrables livres qui étaient devenus propriété de l’État. On décida de regrouper l’ensemble des volumes saisis dans des «dépôts littéraires», de rédiger une bibliographie générale de la France, vaste inventaire de ces richesses livresques, et de réserver à une commission de spécialistes parfaitement compétents le soin de décider des ouvrages à éliminer. Mais la rédaction de la bibliographie, prévue en des délais très brefs, était irréalisable, et il fallut lutter sans cesse pour interdire les ventes et les liquidations sauvages. Finalement, la Bibliothèque du roi, devenue Bibliothèque nationale, qui avait un droit de priorité sur les prélèvements, fut la principale bénéficiaire de l’affaire. Suivirent à Paris quelques établissements, maintenus ou de création récente: la Mazarine, Sainte-Geneviève, les bibliothèques de l’Arsenal, de l’Assemblée nationale, de l’Institut, du Muséum et des Arts et Métiers, sans compter les livres dont d’innombrables administrations s’étaient emparées pour affirmer leur prestige. En province, cependant, à l’issue de nombreuses péripéties, Bonaparte décida de se débarrasser de tant de livres devenus encombrants en les mettant, par l’arrêté du 8 pluviose de l’an XI (28 janvier 1803), à la disposition et sous la surveillance des municipalités. Ces collections, qui demeuraient propriété de l’État, vinrent donc s’ajouter à celles des quelques bibliothèques municipales déjà existantes et servirent ailleurs à la création de nouveaux établissements.Une dizaine de millions de volumes furent ainsi amassés dans les collections publiques. Écrasés par les richesses ainsi accumulées, les bibliothécaires du XIXe siècle ne purent venir à bout du catalogage d’une telle masse, qui reste aujourd’hui encore pour une bonne partie inconnue et dont les conditions de conservation restent souvent déplorables. Situation qui correspond à une longue indifférence des pouvoirs publics, caractérisée par exemple par le fait que l’inventaire général du patrimoine national n’a jamais inclus les documents de bibliothèque.L’Université napoléonienne, créée de toutes pièces, avait été conçue comme une université sans traditions et à peu près sans livres – soit une situation qui contraste singulièrement avec ce qu’on observe aujourd’hui encore dans les universités anglaises ou allemandes d’ancienne création, dont les fonds ont parfois été maintenus sur place depuis le Moyen Âge. Ce ne fut finalement que dans la seconde partie du XIXe siècle qu’on se soucia de développer en province des bibliothèques universitaires qui disposèrent de très faibles moyens et demeurèrent embryonnaires jusqu’à une période très récente. Longtemps, enfin, la lecture publique ne réussit pas à se développer en France. Certes, les gouvernements tentèrent à plusieurs reprises de créer un réseau de bibliothèques scolaires tandis que l’alphabétisation se généralisait dans le pays, mais sans trop de succès. Une élite ouvrière et quelques poignées de bibliothécaires groupés notamment dans l’association Franklin obtinrent, certes, quelques résultats aux débuts de la IIIe République – des bibliothèques de quartier furent par exemple installées à Paris et à Lyon –, mais les progrès accomplis furent suivis, avant même la guerre de 1914-1918, d’une notable régression.Très différente était la situation des bibliothèques dans les pays anglo-saxons. Contrairement aux Français qui considèrent que ce qui concerne l’intérêt public relève de l’État, Britanniques et Américains recoururent avant tout aux dons des anciens élèves pour développer leurs bibliothèques universitaires et pratiquèrent à l’origine une politique associative en matière de lecture publique qui prépara l’ouverture de bibliothèques municipales – et cela avec d’autant plus de succès que les protestants sacralisent la lecture individuelle, et d’abord la lecture de la Bible, tandis que les peuples catholiques et d’abord les Français, dont les élites se méfièrent longtemps de la lecture populaire, fourrière de la libre interprétation dans tous les domaines, ont toujours eu tendance à s’en rapporter au clerc, qu’il apparaisse comme l’interprète de la pensée divine ou qu’il se prenne pour la conscience de la nation. On ne s’étonne pas dans ces conditions si le réseau des bibliothèques françaises apparut de plus en plus au XIXe siècle comme une création abstraite décidée par l’État, tandis que la bibliothèque moderne, d’un tout autre type, naissait en Angleterre et en Amérique. Parmi les principales étapes de cette création continue, mentionnons la constitution, au milieu du XIXe siècle, de réseaux de bibliothèques de lecture publique souvent financées par un impôt spécial, aussi bien dans certains États des États-Unis qu’en Grande-Bretagne. Soulignons aussi l’apparition dès 1876 de l’American Library Association, qui organise les rapports entre établissements et se trouve à l’origine de la toute-puissante F.I.A.B. (Fédération des associations de bibliothécaires) qui impose aujourd’hui ses normes, notamment dans le domaine de la description bibliographique informatisée. Citons enfin le nom de Melvil Dewey, directeur du Library Journal , bibliothécaire de l’université de Columbia à New York, qui crée plusieurs écoles de bibliothécaires tournées vers le service public et met au point la fameuse classification qui porte son nom et se trouve aujourd’hui partout utilisée dans les bibliothèques de lecture publique (1876) – y compris en France, où l’on est incapable d’établir un système national conforme à la langue et à l’esprit du pays. Dans ces conditions, l’accès aux rayons devint de règle aux États-Unis et en Grande-Bretagne dès le début du XXe siècle, et l’on prêta couramment dès cette époque dans les grandes villes de ces pays plus de deux livres par an et par habitant. Soit des performances qui ne commenceront à se trouver égalées en France que dans les années 1970.2. Les problèmes actuelsL’élévation du niveau de vie dans les pays développés, l’éveil du Tiers Monde, la progression d’ensemble du niveau de l’instruction, l’énorme augmentation de la production imprimée génératrice d’une véritable explosion documentaire, l’apparition de nouveaux moyens de communication et l’essor de la documentation automatisée ont conféré une nouvelle importance aux bibliothèques dans le monde contemporain – qu’il s’agisse des bibliothèques d’étude qui tendent de plus en plus à se spécialiser, des bibliothèques de lecture publique devenues médiathèques ou des grandes bibliothèques de conservation dont les missions se trouvent renouvelées. Enfin, l’entrée en scène de systèmes de bases et banques de données a favorisé l’organisation de réseaux regroupant divers établissements dans une perspective de complémentarité, non seulement sur le plan de chaque spécialité, mais aussi sur le plan national et même international.Pour répondre a tant de nouvelles demandes, la France se trouva d’abord dotée au lendemain de la guerre d’une autorité centralisatrice, la Direction des bibliothèques et de la lecture publique dépendant du ministère de l’Éducation nationale (et en certaines périodes du ministère des Universités). Cette Direction, pourvue de services techniques compétents, profita du climat d’expansion pour développer des plans d’équipement et commencer à rattraper les retards. Elle entreprit aussi de créer un système informatique centralisé. Mais elle fut l’objet de vives critiques, notamment de la part des milieux de l’édition, tandis que le ministère de la Culture réclamait le rattachement des bibliothèques de lecture publique – d’où sa partition (2 juill. 1975). Les bibliothèques de lecture publique (bibliothèques municipales et bibliothèques centrales de prêt) puis la Bibliothèque nationale furent dès lors rattachées à la Direction du livre au sein du ministère de la Culture, tandis que les bibliothèques universitaires et celles des grands établissements restaient gérées par l’Éducation nationale. Enfin, la politique de décentralisation marqua à partir de 1985 une nouvelle époque dans l’histoire des bibliothèques françaises.Les bibliothèques d’étude et de rechercheL’évolution des sociétés modernes imposa en premier lieu un effort constant d’adaptation des bibliothèques d’étude et de recherche. À la fin du XIXe siècle, l’Allemagne et l’Angleterre avaient donné le ton en développant de grandes bibliothèques universitaires enracinées dans le passé et la tradition grâce à la présence de fonds anciens de très ancienne origine et dotées de crédits d’acquisition importants. Mais, là comme ailleurs, l’Amérique donna vite le ton grâce à une organisation plus souple et au recours à des fonds privés qui lui permirent de mieux répondre aux nouvelles demandes.En France, l’afflux des étudiants imposa au lendemain de la guerre la refonte de tout le système d’enseignement supérieur et la multiplication des universités – d’où la mise en chantier de nouveaux bâtiments, souvent très importants, qui furent mis en service entre 1955 et 1970, et l’adoption du principe du libre accès (instructions de 1962-1963). Mais les crédits tendirent à diminuer par la suite, et les établissements n’obtinrent pas, jusqu’à une date très récente, de crédits d’acquisition et de fonctionnement suffisants, tandis que les bibliothèques d’instituts, de départements et de laboratoires, surgies empiriquement, anarchiquement gérées, mais plus proches des usagers, se multipliaient. D’où un climat de crise dans les années 1975-1985, durant lesquelles on s’efforça avant tout de préparer l’avenir en munissant ces bibliothèques de systèmes documentaires performants.À côté des bibliothèques universitaires qui tendent de plus en plus à éclater en unités spécialisées, il faut enfin mentionner les innombrables bibliothèques techniques et centres de documentation qui entretiennent des bases de données extrêmement variées et exploitent les articles plus que les livres. Tous ces établissements tendent de plus en plus à constituer dans les pays développés un tissu serré et sont équipés de systèmes informatiques assurant les principales fonctions biblithéconomiques (acquisition, catalogage, circulation des documents). Par ailleurs, la coopération entre bibliothèques n’a pas cessé de se développer en ce domaine comme dans les autres. Il ne s’est pas seulement agi, notamment dans les pays européens, de partager les moyens techniques, mais aussi d’assurer une meilleure distribution des tâches et une meilleure couverture dans le domaine documentaire à partir de catalogues collectifs.Les bibliothèques de lecture publiqueDepuis la fin de la dernière guerre, les bibliothèques publiques se sont multipliées et sont arrivées à constituer de véritables réseaux dans les pays développés. En règle générale, la bibliothèque d’une ville est surtout le lieu où l’enfant comme l’adulte viennent compléter leur culture en fonction de ce qu’il est convenu d’appeler en France le droit à la lecture, partie intégrante du droit à la culture inscrit dans la Constitution de 1947. Mais elle est, et de plus en plus, l’endroit où le citoyen peut trouver une information concernant en particulier sa cité et sa région.La lecture publique se trouve un peu partout partagée entre deux exigences: la nécessité de se rapprocher du lecteur et le besoin de coordonner les activités ainsi dispersées, de centraliser une documentation plus importante et de développer des actions culturelles sur un plan plus large – ce qui requiert l’existence d’une bibliothèque centrale qui exerce en même temps, dans les villes importantes, les fonctions de bibliothèque d’étude, voire de bibliothèque patrimoniale. D’où l’apparition de réseaux non seulement dans les villes importantes, mais aussi dans les zones rurales des pays les plus avancés.Née dans les pays anglo-saxons et dans les nations du nord de l’Europe, tôt adoptée dans les pays de l’Est, cette conception de la lecture publique qui entraîne obligatoirement le libre accès du lecteur aux rayons est maintenant partout reconnue. La France a commencé aujourd’hui à regagner le terrain perdu et se classe à parité avec l’Allemagne dans le hit-parade des pays européens. Quelques dates jalonnent cette longue marche. En 1945, lors de la création de la Direction des bibliothèques et de la lecture publique, il fut décidé de créer dans chaque département une bibliothèque centrale de prêt (B.C.P.) chargée d’alimenter en livres les villes et bourgs de moins de 15 000 habitants. Nantis d’un modeste équipement (une camionette transformée en bibliobus), souvent établis dans la bibliothèque municipale du chef-lieu d’arrondissement, les premiers établissements de ce genre connurent un succès immédiat. Il fallut bientôt les doter de bâtiments spécifiques et développer leurs moyens et leur personnel avec l’appui d’associations leur permettant de recevoir des subventions des autorités départementales et locales. Mais le gouvernement, qui avait décidé de réserver la priorité à l’équipement des bibliothèques universitaires, ne créa que très lentement de nouvelles B.C.P.Cependant, à la suite d’initiatives pionnières et pour répondre à une demande quasi générale, les municipalités commençaient à moderniser et à adapter leurs bibliothèques. Une nouvelle génération de bibliothécaires créait des sections enfantines, constituait des fonds de prêt, pratiquait des techniques d’animation culturelle et organisait des annexes de plus en plus vastes dans les cités les plus importantes. La Direction des bibliothèques et de la lecture publique obtint, en cette période de prospérité, des crédits permettant d’encourager la construction de bâtiments nouveaux grâce à de larges subventions. Cette politique d’incitation aboutissait, sur l’initiative de Georges Pompidou, au plan de développement de la lecture publique de 1967 qui permit de créer, de 1967 à 1980, trente-quatre nouvelles B.C.P. et de faire passer la surface au sol des bibliothèques municipales de 300 000 à 650 000 mètres carrés. Enfin, tandis que la Ville de Paris entreprenait de moderniser et de développer depuis 1960 son réseau de bibliothèques de prêt, l’État créait dans la capitale, au Centre Georges-Pompidou, la Bibliothèque publique d’information (1977). Consacrant de façon spectaculaire le principe du libre accès, introduisant l’usage de l’audiovisuel dans un grand établissement voué au livre et réussissant après de longs efforts à offrir aux lecteurs un catalogue entièrement automatisé, cette création permit de changer définitivement, dans l’esprit des Français, l’image de la bibliothèque – annonçant la médiathèque de demain. Mais on constata bientôt aussi qu’un tel établissement, constamment saturé, ne suffisait pas à répondre à la demande du public de la région parisienne.Après la disparition du président Pompidou, le gouvernement, qui consacrait de larges crédits à l’achèvement de la Bibliothèque publique d’information, avait attenué son effort dans les autres domaines à mesure que la crise économique s’installait. Les années 1975-1981 furent donc difficiles pour les bibliothèques. Une série de mesures prises en 1981 donnèrent le signe de la relance. Elles permirent de créer les dix-sept B.C.P. qui manquaient encore à l’appel et de construire 110 000 mètres carrés de bibliothèques municipales entre 1981 et 1984. À partir de 1984-1986, en outre, les effets de la politique de décentralisation commencèrent à se faire sentir. Après avoir développé un plan de mise à niveau des régions et départements, le ministère de la Culture remit aux conseils généraux, avec les crédits correspondants, le soin de gérer les B.C.P., et confia à des directions régionales de l’action culturelle (D.R.A.C.), établies auprès des préfets de Région, le soin d’instruire les dossiers de subventions de fonctionnement et d’équipement à l’intention des municipalités. Soit une politique qui a aidé à construire 300 000 mètres carrés nouveaux depuis son application. Désormais, surtout, les élus locaux, départementaux et régionaux se sentent plus directement concernés par les bibliothèques, et les bibliothécaires sont plus attentivement à l’écoute des utilisateurs. En même temps, les uns et les autres comprennent de plus en plus qu’il leur appartient de se regrouper, notamment sur le plan régional, pour promouvoir des actions précises, aussi bien dans le domaine de l’informatique que dans celui de la préservation du patrimoine. Une attitude de responsabilité inspirée du modèle anglo-saxon.Les bibliothèques nationalesLa principale fonction des bibliothèques nationales est de conserver pour les générations à venir le patrimoine national, qu’il s’agisse de livres imprimés et de périodiques, mais aussi de manuscrits, d’estampes, de cartes et plans, et, depuis une date plus récente, de photographies, de films et de tous documents sur nouveau support. Cette masse ne cesse de s’accroître par le biais du Dépôt légal.Tel est le cas en France de la Bibliothèque nationale, en Grande-Bretagne de la British Library ou aux États-Unis de la Bibliothèque du Congrès. Cependant, d’autres établissements exercent dans tous les pays des fonctions de ce type. Ainsi, la Bibliothèque nationale ne conserve que le cinquième à peu près des livres antérieurs à 1789 présents dans les bibliothèques françaises – parmi lesquels on compte, il est vrai, une bonne partie des exemplaires les plus prestigieux par leur qualité, leur provenance ou leur reliure. De même, une partie notable des livres anciens conservés en Grande-Bretagne se trouve dans les bibliothèques d’Oxford et de Cambridge. De même encore, la bibliothèque de l’American Antiquarian Society détient beaucoup plus d’impressions anciennes américaines que la Bibliothèque du Congrès. En Allemagne, par ailleurs, un groupe de bibliothèques se partage le soin de conserver plus particulièrement selon les époques la production nationale antérieure au XIXe siècle, tandis que certaines bibliothèques américaines jouent le rôle de bibliothèque nationale dans des domaines précis. Au Royaume-Uni, enfin, il existe quatre établissements ayant reçu un statut de bibliothèques nationales à côté de la British Library: la Bibliothèque bodléienne d’Oxford, celle d’Édimbourg pour l’Écosse, celle d’Aberystwyth pour le pays de Galles et celle de Belfast pour l’Ulster. En Italie, enfin, les Bibliothèques de Florence et de Rome ont un statut de bibliothèque nationale, tandis que plusieurs bibliothèques se partagent en Allemagne le soin de préserver pour les époques anciennes le patrimoine germanique et que la Deutsche Bücherei de Leipzig, créée en 1912, et la Deutsche Bibliothek de Francfort, fondée en 1916 (77 000 m2 de surface de plancher prévus pour sa reconstruction), se préparent à s’unir pour donner une Deutsche Bibliothek.Il est de plus en plus difficile à tous ces établissements d’assumer leur fonction de conservation, d’abord parce que les documents imprimés sont des pièces fragiles dont la communication tend à devenir de plus en plus intensive – et cela surtout dans les pays où les bibliothèques d’études ne suffisent pas à leur mission. De plus, on s’est aperçu récemment que le papier des impressions des XIXe et XXe siècles tendait à s’autodétruire, de sorte qu’il a fallu mettre en route, à Londres comme à Paris, de très coûteux programmes de sauvegarde. En outre, la prolifération vertigineuse des documents imprimés remet en question le principe selon lequel il convient de conserver un exemplaire de tout ce qui relève du Dépôt légal. Enfin, on demande généralement encore à ces mêmes établissements de conserver les documents photographiques ou audiovisuels, en refusant souvent, notamment en France, d’accroître leurs moyens de proportion.Cependant, les bibliothèques ont traditionnellement bien d’autres missions. Elles sont chargées d’obtenir par voie d’échange ou d’acquérir ce qui peut intéresser le pays dans la production étrangère. Elles doivent aussi publier la bibliographie nationale, exercer une fonction de centre d’information national, notamment dans le domaine des publications officielles, participer aux recherches concernant leur fonds et son histoire, et faire connaître au public leurs richesses, en particulier par le biais d’expositions. Enfin, elles exercent normalement un leadership national qui les amène à communiquer leurs enregistrements bibliographiques pour faciliter le travail des autres établissements et à collaborer avec ceux-ci pour l’établissement de catalogues collectifs. Autant de tâches qui sont encore plus lourdes dans les pays en voie de développement qui ne disposent parfois pas d’infrastructure en dehors de leur bibliothèque nationale.Ces diverses extensions de leurs fonctions n’ont pas manqué de provoquer des crises au sein des principales bibliothèques nationales. L’Allemagne, qui possède un puissant réseau de bibliothèques d’études, pratique une politique de décentralisation et répartit entre celles-ci les multiples fonctions normalement imparties à une bibliothèque nationale. Un peu partout, de plus, on a commencé à construire depuis quelques décennies des bâtiments nouveaux. Au cours des dernières années, les Néerlandais ont édifié des bibliothèques de toutes catégories: bibliothèque royale de La Haye, bibliothèques universitaires et bibliothèques municipales étroitement organisées en réseau. Au Japon, la Bibliothèque nationale de la diète, créée en 1948, projette la construction à quelque 500 kilomètres de T 拏ky 拏, dans la cité des sciences de Kansai, d’une nouvelle bibliothèque spécialisée dans la fourniture de documents et d’informations bibliographiques en multipliant les services en ligne et les produits sur nouveaux supports. On a également entrepris l’édification de bâtiments souvent énormes. Ainsi, la communauté internationale a-t-elle décidé de doter la ville d’Alexandrie d’une bibliothèque encyclopédique pour le IIIe millénaire (50 400 m2 de surface utile prévus) et la British Library se prépare à emménager dans de nouveaux locaux (environ 115 000 m2 de surface de plancher prévus). En France, enfin, où la Bibliothèque nationale ne pouvait plus répondre aux demandes du public, et où les plus grandes bibliothèques récemment construites étaient la bibliothèque du Centre Georges-Pompidou (environ 20 000 m2) et les bibliothèques municipales de Lyon et de Bordeaux (27 000 m2 chacune), le président François Mitterrand a annoncé le 14 juillet 1988 son intention de construire et d’aménager «l’une ou la plus grande bibliothèque du monde». Il a ajouté: «Je veux une bibliothèque qui puisse prendre en compte toutes les données du savoir dans toutes les disciplines et surtout qui puisse communiquer ce savoir à l’ensemble de ceux qui cherchent, qui étudient, de ceux qui ont besoin d’apprendre, toutes les universités, les lycées, tous les chercheurs qui doivent trouver un appareil modernisé, informatisé et avoir immédiatement le renseignement qu’ils cherchent.» La question se trouva aussitôt posée des rapports du nouvel établissement avec la Bibliothèque nationale, et il fut finalement décidé de transférer à la Bibliothèque de France les fonds des Départements des imprimés et des périodiques de cette dernière et d’y développer un Département de l’image et du son. En même temps, le principe était adopté d’un établissement à deux niveaux («recherche» et «tout public»; au total, 255 000 m2 prévus). Ainsi se trouve engagé un véritable «challenge», puisqu’il s’agit d’assurer une communication plus large du patrimoine national tout en en assurant une meilleure conservation, de rassembler une documentation actualisée de haut niveau dans tous les domaines, de doter le pays d’un ensemble recourant aux techniques modernes pour assurer le rayonnement de la culture française dans le monde, mais aussi de fournir aux bibliothèques françaises une centrale documentaire en y développant des «pôles associés». Pareil projet devra se trouver naturellement accompagné d’un effort d’ensemble pour rattraper le retard des bibliothèques parisiennes de lecture publique, d’étude et de conservation – mais aussi pour établir une liaison constante avec la province et pour doter de crédits suffisants les établissements français à l’étranger, sous-équipés face à leurs concurrents.On le voit, la révolution documentaire des cinquante dernières années a conféré aux bibliothèques, vouées à devenir médiathèques, une importance nouvelle, et l’on peut envisager le jour où l’ensemble des ressources non seulement nationales, mais internationales pourront être immédiatement et directement accessibles sur écran. L’avenir d’un tel ensemble passe par une coopération internationale permanente. Mais on ne peut savoir pour autant si les bibliothèques continueront d’être conçues comme des «temples du savoir» où les livres de papier continueront à s’accumuler, ou si l’on arrivera à une communication à distance dans des réseaux décentralisés d’unités moyennes. Cependant, l’évolution actuelle fait éclater plus nettement encore les disparités existant entre les différentes régions du globe. D’où l’évidente nécessité d’un «rattrapage» que les nouvelles technologies devraient faciliter.
Encyclopédie Universelle. 2012.